Dans une communication fort instructive sur les plans historique et littéraire intitulée « Brève exploration de la littérature en langue créole en Haïti, de ses balbutiements à son affirmation » –communication donnée au Théâtre L’Échangeur en région parisienne le 2 décembre 2011–, Jean Durosier Desrivières, écrivain, comparatiste et créoliste, nous introduit comme suit à la temporalité du « premier texte authentiquement créole » :
« Il est sans doute possible de retrouver des textes d’auteurs haïtiens marqués par une certaine interférence créole-français, une forme d’haïtianité consciente ou non, pendant les premières périodes littéraires haïtiennes. Néanmoins le premier texte authentiquement créole retenu et qui marque de façon décisive le premier temps fort de la littérature en langue créole en Haïti est indubitablement : « Choucoune » ou « P’tit Pierre » d’Oswald Durand (écrit en 1883 et publié en 1884). « Choucoune » se donne à lire à la fois comme un poème lyrique louant la beauté d’une jeune femme haïtienne et comme une simple fable qui esquisse une intrigue amoureuse dans une société haïtienne complexe et complexée, frappée d’extériorité (…) ».
En voici un extrait reproduit selon la graphie d’origine :
« Dèriè yon gros touff’ pingoin,
L’aut’jou, moin contré Choucoune;
Li sourit l’heur’ li ouè moin,
Moin dit: «Ciel! a là bell’ moune!»
Li dit: «Ou trouvez ça, cher?»
P’tits oéseaux ta pé couté nous lan l’air…
Quand moin songé çà, moin gagnin la peine,
Car dimpi jou-là, dé pieds-moin lan chaîne ! »
Le dessein de retracer formellement l’« acte de naissance » de ce que l’histoire littéraire d’Haïti désigne sous le vocable de « premier texte authentiquement créole » peut être transposé sur le registre linguistique : quel est le premier texte créole qui n’appartient pas au domaine littéraire et qui relèverait, par exemple, du domaine de l’administration coloniale ou de l’administration postcoloniale, ou de celui de la description de la faune et de la flore, ou de celui d’une cartographie des rapports socioéconomiques ? Quelles sont la nature et les fonctions de ce présumé texte non littéraire ? Présente-t-il des caractéristiques particulières sur le plan linguistique ? L’objet du présent article étant d’interroger de manière exploratoire la problématique de la cohabitation inégalitaire du créole et du français en Haïti entre janvier 1804, octobre et mai 1805, il ne sera pas proposé une analyse des caractéristiques linguistiques des éventuels écrits créoles de cette époque sur les plans lexical, morphologique ou grammatical. Nous verrons plus loin pourquoi il est pertinent d’interroger, de manière exploratoire dans le présent article, la problématique de la cohabitation inégalitaire du créole et du français en Haïti entre janvier 1804, octobre et mai 1805, puis de 1805 à 2023 –le premier texte constitutionnel du nouvel État, Haïti, étant la Constitution du 20 mai 1805.
Le texte « Choucoune » ou « P’tit Pierre » d’Oswald Durand (écrit en 1883 et publié en 1884) a toutefois été précédé d’un autre texte créole comme l’atteste le romancier et lexicographe martiniquais Raphaël Confiant, auteur d’une ample et très instructive étude intitulée « Les grandes dates de la langue créole (version n° 1) » parue sur le site Fondas kreyòl le 27 janvier 2022. Sur le plan historique, cette étude est la première exploration systématique des grandes dates de l’écrit créole et elle présente la particularité de la prise en compte de plusieurs variétés de créole (Martinique, Guadeloupe, Haïti, Guyane, Maurice).
Parmi ses grandes qualités descriptives, l’étude de Raphaël Confiant révèle une donnée historique peu connue du grand public, à savoir la publication en 1869 de la première grammaire créole. Raphaël Confiant le mentionne en ces termes : « 1869 : le Trinidadien John Jacob Thomas, instituteur de son état, publie la toute première grammaire du créole : « The Theory and Practice of Creole Grammar » [Chronicle Publishing, Port of Spain, 1869 ; rééditions : New Beacon Books, London, 1969 ; Wentworth Press, 2016 ; Cornerstone Book Publishers, 2018]. Au XIXe et début du XXe siècle, le créole à base lexicale française était la langue principale des campagnes trinidadiennes. Il était dénommé « patois ». Il subsiste encore au XXIesiècle dans quelques villages comme Paramine, Maraval ou Morne Coco où l’Église catholique tente de le maintenir en vie, faisant des messes en créole. »
En ce qui concerne Saint-Domingue puis Haïti, Raphaël Confiant expose comme suit la datation des premiers écrits créoles :
–« 1754 : Le Blanc créole de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti), Duvivier de la Mahautière, publie le tout premier texte littéraire en créole : la chanson-poème « Lisette quitté la plaine ». Un esclave noir, coupeur de canne de son état, se lamente parce que sa dulcinée l’a quitté, chose peu vraisemblable en cette période d’esclavage flamboyant. À ce propos, il n’est pas étonnant du tout que les premières personnes à écrire le créole furent des Blancs créoles. Cela pour deux raisons : ils ont participé à l’élaboration de cette langue et elle est aussi la leur ; le Code noir (1685) interdisait aux maîtres d’apprendre à lire et à écrire à leurs esclaves noirs. » En voici un extrait reproduit selon la graphie d’origine :
« Lisette quitté la plaine
Mon perdi bonher à moué ;
Gié à moin semblé fontaine,
Dipi mon pas miré toué.
La jour quand mon coupé canne,
Mon fongé zamour à moué ;
La nuit quand mon dans cabane,
Dans dromi mon quimbé toué »
–« 1760-1780 : traduction en créole d’un extrait de la Bible par un auteur anonyme, à une date non précisée mais qui se situe vraisemblablement dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle : « La Passion de Notre Seigneur selon Saint-Jean en langage nègre ». L’édition de ce texte, retrouvé par hasard, est due au Guadeloupéen Guy Hazael-Massieux. Il commence comme suit : « Dans temps la, comme jour Paque té proche, toute pères jouifs la ïo tous faire complot pour quimber Jesi : min yo té bin barassés. Io té dire, comment nous va faire ? Si nous faire touyé li dans temps grand fête comme ça, toute moune va lévé la sous nous pour prendre pati pou li… »
–« 1801 : Napoléon Bonaparte fera publier un grand nombre de proclamations en créole, notamment à Saint-Domingue qu’il tente alors de reconquérir dans le but non avoué d’y rétablir l’économie sucrière et donc l’esclavage des Noirs. La « Proclamation du 8 novembre 1801 », signée par « Primié consil : Napoléon Bonaparte », commence ainsi : « Paris, 17 brimer, an 10 Répiblique francé, yonn et indivisib, Consils La Répiblique francé a tout zabitans Saint–Domingue :
Qui ça vout tout yé, qui couleur vous yé, qui côté papa zot vini, nous pas regardé ça ; nous savé tant selman que zote tout libre, que zote toute égal doubant bon Dié é dans zieur la Répiblique…
Capitaine Général Leclerc, que nous voyé pour commandé Saint–Domingue, li méné avec li tout plen navire, tout plen soldat, tout plen canon ; mais pas crère sila–yo qui va di zote que Blanc vlé faire vous esclave encore…»
–« 1804 : l’année même de l’accession de l’indépendance de Saint-Domingue, devenue désormais « Haiti » ou « Pays de hautes montagnes » dans la langue des Tainos (…) paraît, à New-York, le tout premier recueil de poésie en créole, texte anonyme : « Ydilles ou essais de poésie créole par un colon de Saint-Domingue ». Il sera republié, dans une édition revue et augmentée, à Philadelphie, en 1811 avec un nom d’auteur différent : non plus « un colon de Saint-Domingue », mais « un habitant d’Hayti ». Il présente ainsi le créole au début de l’ouvrage : « La langue créole est une espèce de jargon que parlent généralement les Nègres, les Créols et la plupart des colons de nos isles d’Amérique. C’est un français corrompu, abâtardi, mais approprié à des organes plus doux, où l’on fait disparaître par de fréquentes élisions, par diverses modifications, et surtout par des transpositions continuelles, les sons trop rudes des consonnes et les fortes articulations. »
En guise de complément informatif aux données rassemblées par Raphaël Confiant, il y a lieu de mentionner la « Proclamation du 29 août 1793 » de Léger-Félicité Sonthonax, commissaire civil de la République française, accessible à la Digithèque de l’Université de Perpignan. La Digithèque est un site de documentation juridique et de politique générale. Elle dispose et donne accès à la version créole de la « Proclamation du 29 août 1793 » de Sonthonax relative à l’émancipation des esclaves et qui débute comme suit (la graphie créole d’origine est conservée) :
« Dans nom la République
PROCLAMATION
NOUS LEGER – FELICITE SONTHONAX ; Commissaire Civil que Nation Française voyé dans pays-ci, pour metté l’ordre & la tranquillité tout – par – tout.
Toute monde fini dans monde pour io rétés libes & égal entre io :
Toute nègues qui té zesclaves & qui travaille sus habitation, io
a vlà, choyens, vérité qui sorti en France. Li temps pour que io piblié va engage pour ion an ; pendant toute l’année là io va pas lé capable
Pour toutes les zautes grand faute, comme tuyé monde,
Lidans toute pays la Republique Français, pour tou lemonde
changé bitation sans io prend permision dans main à juge de paix,
ou bin si io volé dehors la caze, ou dans bitation là même, jinge paix (… ) Cultivateurs va tous les jours pour travail dans place e gouris parre deux heures toute monde travail en payant, comme ça va y fet dans pays-ci. »
Tel que nous l’avons mentionné précédemment, l’objet du présent article est d’interroger de manière exploratoire la problématique de la cohabitation inégalitaire du créole et du français en Haïti entre janvier 1804, octobre et mai 1805. La séquence historique que nous avons choisi d’explorer comprend, en termes de repères temporels, une triple articulation : (1) l’Indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804, (2) l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines le 17 octobre 1806 et (3) l’adoption du premier texte constitutionnel haïtien post-Indépendance, la Constitution du 20 mai 1805. Nous entendons par « cohabitation inégalitaire du créole et du français en Haïti » le fait attesté que dès le 1er janvier 1804 le créole a été systématiquement exclu de tous les appareils et espaces administratifs du nouvel État : il a été exclu des textes juridiques et administratifs destinés à encadrer et à réguler l’ensemble des rapports économiques, sociaux et culturels au seul profit de la langue française également en usage exclusif dans les premières institutions scolaires haïtiennes. Cette exclusion a servi de terreau au cours des ans à la survalorisation du français dans le corps social haïtien, notamment dans l’École haïtienne, et il a fallu attendre le vote majoritaire de la Constitution de 1987 pour que le créole soit juridiquement reconnu et accède enfin au statut de langue co-officielle aux côtés du français. Une telle exclusion est également au fondement de la reproduction de divers préjugés contre le créole dans toutes les strates de la société haïtienne. (Sur la reproduction de divers préjugés contre le créole voir deux articles consignés dans l’excellent livre dirigé et co-écrit par le linguiste Renauld Govain, doyen de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti, « La francophonie haïtienne et la francophonie internationale : apports d’Haïti et du français haïtien » (Jebca Éditions, 2021). Ces deux articles ont pour titre « Les représentations du français et du créole dans le discours des locuteurs haïtiens : quelles considérations », par Guerlande Bien-Aimé, et « La persistance des préjugés anti-créole dans l’univers francophone haïtien », par Tontongi. Voir aussi l’article « Stigmatisation du créole, Code noir et populisme linguistique », par Robert Berrouët-Oriol, Fondas kreyòl, 27 septembre 2022.)
Sur les plans historique, sociolinguistique et démographique, quelles étaient les langues en présence en Haïti entre 1804 et 1805 ? La documentation étudiée par les historiens permet-elle de dénombrer le nombre de locuteurs du français et du créole en Haïti entre 1804 et 1805 ? Comment interpréter le fait attesté que la langue « officielle » de facto de l’Administration du nouvel État post-esclavagiste entre 1804 et 1805 soit le français ? Il est fondé de dire que la cohabitation inégalitaire du créole et du français en Haïti entre janvier 1804 et octobre et mai 1805 –et par la suite entre 1805 et 2023–, trouve son origine dans le choix politique des Pères de la patrie consistant à maintenir l’usage du français comme langue de l’administration du nouvel État issu de la guerre anticoloniale, instituant ainsi l’usage institutionnel dominant du français. Ce choix politique –sans doute implicite puisque non revendiqué publiquement–, a institué une réelle continuité linguistique entre l’administration coloniale et l’administration post coloniale car le seul modèle d’administration de l’État connu des Pères de l’Indépendance haïtienne, tous locuteurs créolophones, était le modèle colonial qu’ils ont politiquement et militairement défait tout en conservant le dispositif administratif et la langue qui en assurait la cohésion sinon l’unicité, le français. Il faut prendre toute la mesure que la continuité linguistique entre l’administration coloniale et l’administration post-coloniale est attestée dès le 1er janvier 1804 dans les documents officiels du nouvel État : ils ont tous été rédigés en français, et cette continuité linguistique est à l’origine de la minorisation institutionnelle du créole dans la totalité de la société haïtienne entre janvier 1804 et octobre et mai 1805 –et par la suite entre 1805 et 2023. Il serait bien naïf de croire qu’en 1804 les Pères de l’Indépendance, dont la langue usuelle était le créole, avaient en ligne de mire un quelconque projet d’aménagement linguistique. Le choix politique implicite de la reconduction du français comme langue de facto de l’administration du nouvel État allait certainement de soi et il est tout à fait plausible que les textes majeurs, tous rédigés en français, de la « mise au monde » politique du premier État issu d’une victorieuse guerre anti-esclavagiste avaient pour cibles à la fois les nouveaux citoyens libérés de l’esclavage et les puissances coloniales destinataires de l’« Acte de l’indépendance » de 1804 ». Boisrond-Tonnerre, secrétaire particulier de Dessalines et rédacteur de l’« Acte de l’indépendance » de 1804 », a effectué des études supérieures en France et il était bien au fait du dispositif rhétorique de ce type de proclamation. Conscient comme tous les signataires de l’« Acte de l’indépendance » de 1804 » du retour possible des armées coloniales dans le bassin caraïbe en vue de rétablir l’esclavage, il a su lier le serment solennel des Pères de la patrie à une déclaration adressée « à la postérité, à l’univers entier ». Le segment suivant de l’« Acte de l’indépendance » de 1804 » l’atteste : « Les généraux, pénétrés de ces principes sacrés, après avoir donné d’une voix unanime leur adhésion au projet bien manifesté d’indépendance, ont tous juré à la postérité, à l’univers entier, de renoncer à jamais à la France, et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination » [les caractères gras et italiques sont de RBO].
Par ailleurs l’on aura noté au passage que la continuité linguistique entre l’administration coloniale et l’administration post-coloniale est occultée et/ou niée par les créolistes fondamentalistes et les Ayatollahs du créole qui s’opposent aveuglément à la réalité historique du patrimoine linguistique bilingue créole-français d’Haïti. Le sommet d’un tel aveuglement idéologique/historique conduit à une posture, qui consiste (1) à plaider et à mener campagne pour l’exclusion du français en Haïti puisque la langue française est à leurs yeux une « langue coloniale », un « virus mental », la langue de la « gwojemoni neyokolonyal », et (2) à parer le créole d’une abondante panoplie de « vertus » aussi idéelles que fantasmées (le créole serait ainsi, selon le petit catéchisme des créolistes fondamentalistes et des Ayatollahs du créole, une langue « révolutionnaire », la « seule langue de l’identité haïtienne », « yon zouti pou devlopman dirab » (dixit l’Académie créole en octobre 2023)… Il y a longtemps depuis que la linguistique nous a appris qu’il n’y a ni langues supérieures ni langues inférieures, aucune langue n’est en soi « révolutionnaire » ou « réactionnaire » : à bien considérer la langue comme une « construction sociale » historiquement située, ce sont les usages politiques, sociaux, économiques et culturels attribués à telle ou telle langue qui modélisent son rôle dans une société.
L’historien et économiste Eddy Cavé est l’auteur d’un livre très fouillé et amplement documenté, « Haïti : extermination des Pères fondateurs et pratiques d’exclusion » (autoédition, 2021). Ce livre rassemble une riche documentation assortie d’une ample bibliographie et des Annexes historiques de premier plan, notamment la « Proclamation d’indépendance du 29 novembre 1803 », l’« Acte de l’indépendance » de 1804 et des extraits du « Recueil des lois et actes du gouvernement d’Haïti depuis la proclamation de son indépendance à nos jours, 1804-1808 » par Linstant-Pradines (tome I 1804 – 1808, 2eme édition 1886 ; tome IV 1824 – 1826, Paris, A. Durand-Pédonne-Lauriel, 1865).
L’un des enseignements majeurs du livre d’Eddy Cavé et de nombreuses autres études ciblant l’immédiate période post 1er janvier 1804 est que tous les textes fondateurs de l’État haïtien ont été rédigés en français. Cette pratique linguistique généralisée, nous le soulignons une fois de plus, s’inscrit dans la continuité linguistique entre l’administration coloniale et l’administration post-coloniale et c’est bien une telle continuité linguistique qui est à l’origine de la minorisation institutionnelle du créole dans la totalité de la société haïtienne entre janvier 1804 et octobre et mai 1805 –et par la suite entre 1805 et 2023. En dépit de cette continuité linguistique toutefois, la première grande conquête historique effectuée par le créole 183 ans après la proclamation de l’Indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804–, est son accession au statut de langue co-officielle aux côtés du français dans la Constitution de 1987 et l’adoption de ce texte constitutionnel dans nos deux langues officielles, le créole et le français. À l’échelle de l’histoire nationale, c’est la première fois que le créole est la langue de rédaction d’un texte constitutionnel, et il se trouve de ce fait au sommet du dispositif juridique devant assurer la gouvernance du pays. Il y a lieu néanmoins de rappeler que l’État haïtien contrevient depuis 1987 aux obligations qui lui sont imparties puisqu’il ne produit ni ne diffuse la totalité de ses documents administratifs dans nos deux langues officielles comme le prévoit l’article 40 du texte constitutionnel. La Constitution de 1987, grande conquête historique, a été précédée de la réforme Bernard de 1979, une réforme scolaire lacunaire et inaboutie, certes, mais elle a pour la première fois de l’histoire nationale fait du créole une langue objet et une langue d’enseignement (voir nos deux articles, « L’aménagement du créole en Haïti et la réforme Bernard de 1979 : le bilan exhaustif reste à faire , Le National, 16 mars 2021, et « De l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti : qu’en savons-nous vraiment ?, . Le National, 11 novembre 2021).
Sur le plan démolinguistique, il est attesté par des études de premier plan qu’au 1er janvier 1804 les locuteurs du créole étaient déjà majoritaires dans le nouvel État alors même que celui-ci avait institué, par le choix implicite du français comme langue de son administration, la continuité linguistique entre l’administration coloniale et l’administration post-coloniale.
Ainsi, dans un article de grande amplitude analytique, le sociologue Laënnec Hurbon et l’historien Michel Hector nous enseignent que « C’est à partir des débuts du XVIIIesiècle, plus précisément après l’envol de l’industrie sucrière en 1715, que l’on assiste à une continuelle augmentation de la force de travail mise en esclavage. Celle-ci passe de 20 000 en 1701 à 100 000 en 1726 et à 164 850 en 1753 (Hector et Moïse, 1990 : 80) pour atteindre les 500 000 à 700 000 personnes vers 1789 (Madiou ; Ardouin). Ce considérable accroissement démographique dépend essentiellement de la traite négrière qui entre 1770 et 1793 déverse officiellement 30 000 captifs environ chaque année » (Laënnec Hurbon et Michel Hector : « Introduction. Les fondations », dans « Genèse de l’État haïtien (1804-1859) », Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009.) D’autres sources précisent qu’à la veille de l’Indépendance du 1er janvier 1804 le pays comptait environ 38 000 européens, Français en grande majorité, ainsi que 28 000 hommes dits « de couleur » ayant le statut d’« hommes libres » et environ 500 000 esclaves originaires d’Afrique et conduits de force aux Antilles à travers la Traite tricontinentale. Ce décompte de la population à la veille de 1804 est également attesté dans l’exceptionnel livre de référence de Claude Dauphin, « Histoire du style musical d’Haïti » (Éditions mémoire d’encrier, 2014 ; voir la page 32).
L’un des apports majeurs consignés dans l’étude de Laënnec Hurbon et Michel Hector, « Introduction. Les fondations », parue dans « Genèse de l’État haïtien (1804-1859) », consiste en un éclairage sur le processus d’édification du pouvoir d’État issu de la révolution anti-esclavagiste de 1804. Les auteurs rappellent en effet que « Méconnu, l’économiste suédois Mats Lundahl a pourtant fourni l’étude la plus exhaustive sur l’économie haïtienne en rapport au politique. Dans un premier ouvrage demeuré classique, Peasants and Poverty. A Study of Haiti(1979), Lundahl démontre avec une grande rigueur comment l’État haïtien est à la source de l’appauvrissement de la paysannerie, thèse surtout développée dans l’ouvrage intitulé Politics or Markets ? Essays on Haitian underdevelopment (1992). Le concept clé de l’histoire économique et politique du pays, le Predatory State, permet de comprendre les obstacles singuliers que connaît le pays pour sortir de la tradition du despotisme et parvenir à un système démocratique. Dès le déclin du système de plantation que les premiers chefs d’État avaient tenté sans succès de restaurer, la vie politique a été marquée de 1843 à 1915 par de nombreuses révoltes, insurrections et tentatives de coups d’État. La lutte pour le pouvoir a motivé ces troubles, l’État apparaissant comme la source principale d’enrichissement pour les nouvelles élites urbaines. L’État semble dès lors procéder comme si les citoyens existaient essentiellement pour servir le gouvernement (ibid. : 238). »
La continuité linguistique entre l’administration coloniale et l’administration post coloniale s’est enracinée dans un État juridiquement « francophone » caractérisé par la version locale d’une sorte de « latifundisme de la rente terrienne » au sein duquel les généraux et autres hauts officiers de l’Armée révolutionnaire indigène et un nombre indéterminé d’hommes dits « de couleur » ou « hommes libres » ont accaparé les meilleures terres du nouveau pays, les grands domaines de l’ancien système colonial, laissant à la populeuse soldatesque créolophone, devenue la paysannerie refoulée dans les mornes, la jouissance d’une multitude de parcelles de terre. Le « latifundisme de la rente terrienne » a institué sans y parvenir totalement la reproduction des grandes plantations sur le modèle colonial et ce latifundisme a constitué le terreau de l’épineuse « question agraire haïtienne » source d’une instabilité politique récurrente au pays de l’Indépendance à nos jours. L’histoire d’Haïti est en effet jonchée de multiples épisodes de luttes paysannes contre le latifundisme des « grandon » institué aux lendemains de l’Indépendance de 1804, et il ne faut pas perdre de vue que la paysannerie haïtienne, de 1804 à nos jours, est de langue maternelle créole –langue exclue de la gouvernance d’un État juridiquement « francophone ». (Sur la « question agraire en Haïti, voir l’étude de Suzy Castor, « Les origines de la structure agraire en Haïti », CRESFED, 1re édition 1989, 2e édition 1998. Au sous-chapitre intitulé « Du cultivateur aux deux moitiés », Suzy Castor précise ceci : « Pour conclure, nous pouvons affirmer que l’abolition de l’esclavage ouvre une ère nouvelle dans l’évolution historique haïtienne. En recouvrant sa liberté, l’esclave cesse d’être considéré comme une chose ou un instrument, propriété de son maître. Pour adapter la nouvelle réalité à la vieille structure agraire esclavagiste, le nouveau cultivateur fut soumis à toutes sortes de pressions extra économiques. La main-d’œuvre libérée fut immédiatement inféodée. Toute la superstructure idéologique, juridique et politique modela une société complexe avec des caractéristiques féodales, qui s’accentueront en Haïti indépendante durant les XIXème et XXème siècles. Ainsi les structures implantées à cette époque ne constituèrent pas une exception historique comme le signalent certains auteurs. Il s’agit d’une formation économique et sociale complexe, avec des tendances dominantes mais originale dans son fonctionnement » (page 59). (Sur la question agraire, voir également le livre « Les relations agraires dans l’Haiti contemporaine », par Gérald Brisson, México, miméographié, 1968 ; voir aussi la thèse de doctorat de Schiller Thébaud citée par Suzy Castor, « L’évolution de la structure agraire d’Haïti de 1804 à nos jours », s.l.é., 1967.) Il est utile de préciser que cette brève cartographie de certains aspects de la question agraire en Haïti a été introduite dans le présent article pour illustrer la réalité que l’économie agraire plantationnaire –espace d’échanges langagiers entre différents acteurs socioéconomiques–, a été l’un des hauts lieux de la minorisation institutionnelle du créole au même titre que le dispositif juridique alors en usage (lois, règlements, etc.).
En ce qui a trait à la place occupée par les Pères de la patrie dans le dispositif du nouveau pouvoir politique, sur l’échelle sociale et dans l’organisation des forces productives au lendemain de l’Indépendance de 1804 qui a pourtant posé le principe de l’égalité de tous les citoyens, le livre d’histoire d’Eddy Cavé –« Haïti : extermination des Pères fondateurs et pratiques d’exclusion » (autoédition, 2021)–, comporte plusieurs enseignements qu’il est utile de rappeler. Ainsi, Eddy Cavé fournit un éclairage fort pertinent sur le mode de gouvernance post 1804 instauré par deux dirigeants de la guerre anti-esclavagiste et Pères de la patrie, Jean-Jacques Dessalines et Henry Christophe, au regard de la fameuse « question agraire haïtienne » et dans un environnement sociétal où s’exerce la continuité linguistique entre l’administration coloniale et l’administration post-coloniale.
À propos de Jean-Jacques Dessalines / Au chapitre « Vision et héritage de Dessalines » (pages 246 à 251), Eddy Cavé note que « Dessalines ne s’est pas enrichi comme Toussaint et Christophe. En dépit de sa situation de fermier de l’État gérant un total de 32 plantations, il n’a pas accumulé de fortune personnelle. Il a ainsi laissé sa veuve et sa progéniture dans une grande gêne, aggravée par la mesquinerie de Christophe et de Pétion. Contrairement à Christophe qui a laissé une fortune colossale à sa veuve et ses deux filles qui ont pu mener la grande vie en Europe sans jamais devoir se soucier du lendemain. C’est finalement Boyer qui, à la demande de Magny, fera octroyer une pension de 100 piastres à Claire-Heureuse qui vivait dans une pauvreté déconcertante ». La classification de « fermier de l’État gérant un total de 32 plantations » indique que Dessalines était un « grandon », propriétaire d’un patrimoine agricole, sur le mode d’une sorte de « gestion déléguée ». Quel était le statut juridique, social et économique des « nouveaux libres » employés dans ces 32 plantations et dont la langue maternelle et usuelle était le créole ? Ces « nouveaux libres » ont certainement constitué une main d’œuvre quasi servile, en demi-servage dans un système étatique semi-féodal connu sous l’appellation « demwatye ». La structure agraire ainsi constituée au creux du « latifundisme de la rente terrienne » s’est consolidée dans la continuité linguistique entre l’administration coloniale et l’administration post-coloniale : la gestion de la gouvernance du nouvel État était assurée en français tandis que la populeuse soldatesque créolophone, devenue la paysannerie refoulée dans les mornes, utilisait le créole, langue maternelle, dans la totalité de ses transactions économiques, sociales, culturelles et politiques.
En toute rigueur, il y a lieu toutefois de préciser que Dessalines s’est battu contre l’accaparement des meilleures terres agricoles par les hauts gradés de l’Armée révolutionnaire et contre la corruption à grande échelle à laquelle ils se livraient. Ainsi, Eddy Cavé rappelle de manière fort judicieuse que « Contrairement à une idée très répandue, ce n’est pas Dessalines qui est à l’origine des pratiques de corruption que nous connaissons aujourd’hui au pays. Déjà du temps de la colonie, les esclaves disaient avec raison « voler le blanc n’est pas voler », slogan qui deviendra après la Proclamation du 1er janvier « voler l’État n’est pas voler ». Par la suite, son successeur Pétion, convaincu que tous les hommes sont voleurs, encouragera et instituera, avec le slogan lese grennen, les pratiques de dilapidation des deniers publics ».
À propos de Henry Christophe / Citant l’historien Alain Turnier, auteur du maître-livre « Quand la nation demande des comptes » (Éditions Le Natal, 1989), Eddy Cavé fournit des données historiques de premier plan. Au chapitre XII, à la rubrique « La fortune personnelle du souverain » (page 331), il précise que « Alain Turnier a consacré à la fortune personnelle de Christophe l’intégralité du chapitre 3 de son incontournable Quand la nation demande des comptes. Dans ce chapitre intitulé « Les biens de Christophe », l’historien subdivise le riche patrimoine du monarque en cinq grandes catégories : la dotation de la Couronne ; les dotations de la Reine ; la dotation du Prince Royal, la dotation de la Princesse Royale, Madame Première ; la dotation de Madame Athénaise ». Ces données historiques sont d’un grand intérêt pour la compréhension de la configuration des rapports sociaux et économiques de l’époque et de la place qu’y occupait le monarque Henry Christophe. Elles révèlent que Henry Christophe possédait un riche patrimoine foncier composé de multiples châteaux ainsi qu’un ample patrimoine agricole comprenant « seize habitations caféières [et] six cotonneries ». Ces données historiques attestent que le monarque Henry Christophe était un « grandon » propriétaire d’un vaste patrimoine agricole au sein duquel était employé une main d’œuvre quasi servile (en demi-servage dans un système étatique semi-féodal connu sous l’appellation « demwatye »).
Ainsi donc, au sommet de l’échelle économique et sociale, la gouvernance politique du nouvel État s’est exercée au creux d’un système caractérisé par la continuité linguistique entre l’administration coloniale et l’administration post-coloniale régies par des lois et des règlements rédigés uniquement en français. C’est bien dans une telle configuration que s’est développée une systémique, à savoir l’institutionnalisation de l’usage dominant du français couplé à celui de la minorisation institutionnelle du créole, langue native de la populeuse soldatesque créolophone devenue la paysannerie refoulée dans les mornes ou engagée dans le latifundisme des « grandon ».
Tel que nous l’avons exposé dans le déroulé de cet article, l’examen exploratoire du mode de constitution de l’État post-colonial au regard de certaines caractéristiques de la problématique linguistique haïtienne a permis de mettre en lumière la cohabitation inégalitaire du créole et du français dès les trois premières années de l’Indépendance d’Haïti. Il est attesté que dès le 1er janvier 1804 le créole a été systématiquement exclu de tous les appareils et espaces administratifs du nouvel État : il a été exclu des textes juridiques et administratifs destinés à encadrer et à réguler l’ensemble des rapports économiques, sociaux et culturels au seul profit de la langue française par ailleurs également en usage exclusif dans les premières institutions scolaires haïtiennes. Il n’existe aucun texte fondateur du nouvel État rédigé en créole, et comme le rappelle l’historien et économiste Eddy Cavé dans son livre « Haïti : extermination des Pères fondateurs et pratiques d’exclusion », les textes fondateurs du nouvel État, la « Proclamation d’indépendance du 29 novembre 1803 » et l’« Acte de l’indépendance » de 1804 » ont été rédigés uniquement en français. La cohabitation inégalitaire du créole et du français dès les trois premières années de l’Indépendance d’Haïti a perduré et s’est consolidée au fil des ans et au fil des 23 Constitutions qu’a connu le pays et il faut savoir que le créole est absent de la plupart de ces textes constitutionnels. Quatre exceptions ont été relevées à ce chapitre : il s’agit de la timide mention du créole dans la Constitution de 1964 à l’article 35 : « Le français est la langue officielle. Son emploi est obligatoire dans les services publics. Néanmoins, la Loi détermine les cas et conditions dans lesquels l’usage du créole est permis et même recommandé pour la sauvegarde des intérêts matériels et moraux des citoyens qui ne connaissent pas suffisamment la langue française ». Les Constitutions de 1957 et de 1971 et reproduisent en entier le même article 35 de la Constitution de 1964 tandis que la Constitution de 1983 consigne, à l’article 62, que « Les langues nationales sont le français et le créole. Le français tient lieu de langue officielle de la République d’Haïti ». La Constitution de 1983 introduit la notion de « langues nationales » (au pluriel) mais cette notion ne figure pas dans la Constitution post dictature duvaliériste de 1987. Il est utile de rappeler que c’est la Constitution de 1918 –votée durant l’Occupation américaine d’Haïti– qui, pour la première fois dans l’histoire nationale, accorde le statut de langue officielle au français en son article 24 : « Le français est la langue officielle. Son emploi est obligatoire en matière administrative et judiciaire ». Alors même que la Constitution de 1918 est présentée par certaines sources documentaires comme ayant été conçue pour s’opposer à l’occupant yankee par l’adoption du français comme langue officielle, nulle part ce texte constitutionnel ne mentionne le créole.
Tel que nous l’avons exposé, la première grande conquête historique effectuée par le créole –183 ans après la proclamation de l’Indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804–, est son accession au statut de langue co-officielle aux côtés du français dans la Constitution de 1987 et l’adoption de ce texte constitutionnel dans nos deux langues officielles, le créole et le français, marque un tournant historique. Pour la première fois dans l’histoire nationale, le créole accède sur le registre de l’écrit au sommet du dispositif juridique devant assurer la gouvernance du pays, et pareille conquête historique aurait dû contribuer de manière décisive à la résolution du problème de la minorisation institutionnelle du créole dans les appareils et espaces administratifs de l’État haïtien. Il est attesté –notamment dans les études contenues dans le livre collectif de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (par Robert Berrouët-Oriol et alii, Éditions de l’Université d’État d’Haïti, Port-au-Prince, et Éditions du Cidihca, Montréal, 2011)–, que la résolution du problème de la minorisation institutionnelle du créole n’a pas été réalisée pour plusieurs raisons. D’une part, l’État haïtien est peu concerné par l’impératif de l’aménagement des deux langues de notre patrimoine linguistique historique, le créole et le français. D’autre part, et en lien avec le désintérêt de l’État pour l’aménagement des deux langues de notre patrimoine linguistique historique, il n’a toujours pas adopté son premier énoncé de politique linguistique nationale ni sa future première Loi d’aménagement de nos deux langues officielles. Cette lourde défaillance de l’État, depuis l’adoption de la Constitution de 1987, se donne à voir sur le registre de la gouvernance générale du pays et singulièrement dans le système éducatif national où l’on prétend mener des « réformes » à coup de décrets empilés et sans lendemains et en dehors de l’adoption d’une politique linguistique éducative.
La résolution du problème de la minorisation institutionnelle du créole passe nécessairement par la mise en œuvre de la future première Loi d’aménagement de nos deux langues officielles. Cet aménagement devra institutionnaliser le « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques » généré par la politique d’État d’aménagement des deux langues officielles d’Haïti conformément à la Constitution de 1987 (voir le livre « Plaidoyer pour les droits linguistiques en Haïti / Pledwaye pou dwa lenguistik ann Ayiti » (par Robert Berrouët-Oriol, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2018). Le « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques » s’articule à ses deux versants indissociables :
1) À l’échelle de l’État, le bilinguisme institutionnel instaure la parité effective et mesurable entre nos deux langues officielles et il garantit, dans la sphère publique, l’obligation de l’État d’effectuer toutes ses prestations, orales et écrites, en créole et en français, et d’élaborer/diffuser tous ses documents administratifs dans les deux langues officielles du pays. Le bilinguisme institutionnel se réfère ainsi en amont aux droits linguistiques collectifs ainsi qu’à l’« aptitude d’un service public à fournir à la population et à son propre personnel des services dans les deux langues officielles » (Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton, et Bureau de la traduction du gouvernement fédéral canadien).
2) Le bilinguisme individuel recouvre le « droit à la langue » (le droit à l’acquisition et à la maîtrise des deux langues du patrimoine linguistique historique d’Haïti) ; le « droit à la langue maternelle » (le droit à la maîtrise et à l’utilisation de la langue maternelle créole dans toutes les situations de communication) et qui est étroitement lié aux obligations de l’État sur le registre du bilinguisme institutionnel.
En tant que politique d’État, le « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques » que nous préconisons au coeur de l’aménagement linguistique en Haïti constitue sur plusieurs plans une avancée majeure. Il est conforme au « Préambule » et aux articles 5 et 40 de la Constitution de 1987, il est en lien direct avec la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996, et il s’articule à la perspective centrale en jurilinguistique selon laquelle les droits linguistiques, dans leur universalité, sont à la fois individuels et collectifs. Dans cette optique, le « bilinguisme de l’équité des droits linguistiques » renvoie à toute la problématique du rôle de l’État en matière de mise en œuvre des droits linguistiques et quant aux garanties constitutionnelles qu’il faut obligatoirement leur accorder.