Résumé
L’article propose une analyse du Cadre d’orientation curriculaire du système éducatif haïtien. La démarche consiste d’abord à résumer le contexte, les éléments clés et la structure du cadre curriculaire. Ensuite, une analyse est conduite, examinant ses forces et ses faiblesses intrinsèques.
L’article constate que le cadre propose une orientation pertinente axée sur les compétences et les valeurs, avec des points forts comme l’approche par compétences, l’accent sur les valeurs inclusives et le bilinguisme. Cependant, des limites sont identifiées telles que le manque de détails concrets et d’outils pratiques, la faible intégration des technologies, et l’absence de processus d’évaluation et d’amélioration continue.
Sur la base de ces constats, des recommandations sont formulées pour améliorer le curriculum, en s’appuyant sur les recherches récentes en sciences de l’apprentissage et intégration des technologies. Les recommandations clés sont de développer des progressions d’apprentissage alignées, promouvoir des expériences d’apprentissage authentiques assistées par la technologie, utiliser l’analyse de données pour un apprentissage personnalisé, intégrer l’éducation à l’environnement, et adopter une culture d’amélioration continue basée sur des données probantes.
Introduction
Les systèmes éducatifs du monde entier reconnaissent la nécessité de réinventer les programmes d’études afin de mieux préparer les étudiants à l’évolution rapide des sociétés et des Les impératifs des professions actuelles en transformation perpétuelle. Au cours de la dernière décennie, ce constat a donné lieu à d’importantes réformes des programmes scolaires dans les pays développés et en développement (Reimers & Chung, 2016). Haïti ne fait pas exception, car l’amélioration de la qualité, et de l’équité de l’éducation reste une priorité nationale urgente (MENFP, 2022). Depuis la réforme Bernard de 1982, des efforts successifs ont cherché à améliorer le programme scolaire. Ils ont adopté des approches basées sur les compétences. Ils ont aussi élargi l’accès et aligné les objectifs sur les besoins de développement national (MENFP, 2022).
La dernière initiative en date est le nouveau Cadre curriculaire pour le système éducatif haïtien (MENFP, 2022), qui vise à fournir une vision et une référence cohérentes pour guider les futurs efforts de développement curriculaire. Appelé COC, ce cadre décrit les principes directeurs, la structure, les éléments essentiels et la stratégie de mise en œuvre du curriculum haïtien dans l’enseignement pré-primaire, primaire, secondaire et universitaire. Il représente une étape importante dans la construction d’un programme scolaire adapté aux besoins contemporains en Haïti. Il vise à offrir un apprentissage de qualité et équitable à tous les élèves du pays.
Néanmoins, la concrétisation de cette vision nécessitera des efforts pragmatiques pour traduire le cadre en pratique et remédier aux limites inhérentes. Cet article propose une analyse scientifique du Cadre de référence, en examinant ses points forts et des points à améliorer. Plus important encore, cet article s’appuie sur des données récentes en sciences de l’apprentissage, conception de programmes, technologie éducative et éducation environnementale. Il présente des recommandations détaillées afin d’éclairer une future amélioration des programmes scolaires en Haïti. Ces recommandations concrètes permettront d’orienter la refonte des curriculums pour un système éducatif haïtien plus performant et adapté aux défis contemporains.
Résumé du cadre d’orientation curriculaire pour le système éducatif Haïtien
- Contexte et justification
Le cadre d’orientation curriculaire (COC) est le fruit d’une reconnaissance de longue date du fait que le système éducatif haïtien nécessite des réformes importantes pour améliorer la qualité, la pertinence, l’équité et les résultats (MENFP, 2022). Il vise à concrétiser la vision progressiste exposée dans la réforme Bernard de 1982, qui a fait date, tout en alignant les objectifs sur le contexte et les besoins de développement actuels d’Haïti. Le COC met en avant une vision systémique, reconnaissant que le curriculum est plus qu’un simple contenu, englobant les normes, la pédagogie, l’évaluation et les ressources qui permettent l’apprentissage. Il est présenté comme le levier critique et le document de référence pour guider les efforts d’amélioration du curriculum à l’avenir.
Plusieurs facteurs expliquent la nécessité de renouveler les programmes scolaires. L’insuffisance des résultats d’apprentissage reste une préoccupation majeure, les élèves n’ayant pas les compétences essentielles dans les matières de base comme la lecture et les mathématiques, malgré leur assiduité à l’école. En outre, le programme doit être mis à jour et relié aux compétences authentiques requises pour l’emploi et la participation civique dans l’Haïti moderne. Des appels sont également lancés pour réduire les inégalités enracinées en matière d’accès et de résultats et pour développer des environnements d’apprentissage véritablement inclusifs, éthiques et démocratiques au sein des écoles. La vision des COC est axée sur le respect, la solidarité, la tolérance, l’honnêteté, l’équité et la non-violence. Elle vise à faire des élèves des citoyens engagés et novateurs qui conduiront Haïti vers un avenir “vert” écologiquement durable et un avenir “bleu” technologiquement avancé d’ici 2054 (MENFP, 2022).
1.2 – Éléments clés et structure du COC
Le COC vise à définir les grandes orientations du curriculum scolaire en Haïti. Il définit les finalités de l’éducation en termes de valeurs et de profil du citoyen haïtien à former. Il établit des principes pour la conception du curriculum, comme une approche par compétences. Le document décrit les éléments du curriculum : organisation du cursus, profils de sortie à chaque étape, programmes d’études, modalités d’évaluation, rôle des enseignants, ressources pédagogiques.
Il propose aussi des orientations sur la formation des enseignants, l’interdisciplinarité, l’inclusion scolaire, le bilinguisme créole-français, l’intégration des savoirs locaux et endogènes. L’accent est mis sur l’adoption d’une approche fondée sur les compétences afin de développer des aptitudes transférables permettant de faire face aux problèmes du monde réel. Les compétences attendues à chaque niveau scolaire sont définies à l’aide de profils d’apprentissage. La structure du programme scolaire est organisée en domaines, eux-mêmes subdivisés en disciplines. L’enseignement préscolaire comprend quatre parties : les langues, les mathématiques, les arts et la découverte du monde. L’enseignement fondamental combine les matières en cinq domaines d’apprentissage : les langues, les mathématiques et les sciences, les sciences sociales, le développement personnel et la technologie/production. À l’enseignement secondaire, les matières sont généralement autonomes plutôt que combinées en domaines. Le COC détaille les disciplines spécifiques constituant chaque domaine et le nombre d’heures hebdomadaires allouées à chaque matière.
Le MENFP communique la vision d’un curriculum axé sur les compétences à tous les acteurs de l’éducation en ce qui concerne la mise en œuvre. Il appelle à l’élaboration de stratégies globales pour échelonner les réformes, suivre les progrès au moyen d’indicateurs de performance clés pertinents, et assurer une révision et une mise à jour régulières du cadre. Le COC définit les attentes en matière de formation des enseignants afin de les aligner sur les nouvelles approches pédagogiques, telles que la différenciation et la collaboration interdisciplinaire. Il permet également d’aligner l’élaboration des évaluations des élèves, du matériel pédagogique et de l’intégration des technologies éducatives. Le COC référence offre une perspective systémique pour guider les efforts cohérents et coordonnés d’amélioration des programmes d’études (MENFP, 2022).
2- Points forts du cadre curriculaire
Plusieurs aspects pertinents du COC peuvent être soulignés. Tout d’abord, l’adoption d’une approche fondée sur les compétences. La notion de développement de compétences transférables que les élèves peuvent appliquer pour s’attaquer à des problèmes réels est effectivement un sujet d’intérêt croissant dans le domaine de l’éducation. Le site de l’éducation en Ontario, par exemple, met en avant l’importance des compétences transférables, notamment la pensée critique, la communication, et la citoyenneté (Education et formation, n.d.). De plus, l’UNESCO souligne l’importance de former les élèves à aborder et améliorer des problèmes mondiaux réels (UNESCO, n.d.). Cette tendance est également reflétée dans les résultats du PISA, qui cherchent des solutions créatives pour l’éducation OECD (n.d.). En somme, l’accent sur les compétences transférables et leur application dans des contextes réels est cohérent avec les tendances actuelles et les recherches dans le domaine de l’éducation. L’articulation des profils d’apprentissage basés sur les compétences attendues pour chaque niveau scolaire aide à clarifier et à maintenir une vision axée sur les compétences pour l’avenir. Cette focalisation sur les compétences permet également de mettre davantage l’accent sur les pédagogies centrées sur l’élève et visant à l’application plutôt qu’à la mémorisation.
Deuxièmement, le COC qui met l’emphase sur les valeurs d’inclusion, d’éthique et de participation démocratique est opportun et pragmatique. Haïti est confrontée à des inégalités profondes (d’abord sociales d’où une grande injustice scolaire/cognitive/culturelle) et enracinées entre les sexes, les handicaps, les langues, la géographie et d’autres dimensions. Le système éducatif pourrait servir de force unificatrice vitale dans la société, mais seulement s’il est délibérément façonné par des valeurs morales partagées, la diversité et la justice sociale. Les objectifs déclarés du COC sont en accord avec les recherches qui affirment que le développement de compétences essentielles telles que la citoyenneté mondiale, le caractère, les compétences socio-émotionnelles et les droits de l’homme sont des éléments fondamentaux de l’éducation (Reimers & Chung, 2016).
Troisièmement, articuler l’objectif de développer un bilinguisme équilibré entre le français et en le créole est stratégiquement judicieux, compte tenu du contexte haïtien. Soutenir la langue maternelle des élèves tout en ajoutant progressivement une deuxième langue offre des avantages cognitifs et favorise la cohésion culturelle plutôt que la division (Farhan 2019). Cet accent mis sur le bilinguisme s’aligne sur les meilleures pratiques mondiales en matière de systèmes éducatifs multilingues.
Enfin, l’accent mis par le COC sur l’alignement du système scolaire pour renforcer la cohérence est méthodologiquement valable. La recherche affirme que la cohérence entre les normes, le matériel pédagogique, l’enseignement en classe et les évaluations est essentielle à la réussite des réformes (Hammerness, 2013). Le COC présente une vision pertinente centrée sur des compétences transférables ancrées dans des valeurs communes.
3- Limites du cadre curriculaire
Pour que cette vision du COC puisse se concrétiser de façon optimale, certaines limites inhérentes à ce type de réforme doivent être identifiées et traitées de manière intentionnelle.
Tout d’abord, le COC reste ambitieux et nécessite davantage de détails concrets et d’outils pratiques pour une mise en œuvre directe. Les profils d’apprentissage proposés, fondés sur les compétences, décrivent les objectifs finaux souhaités pour chaque niveau scolaire, mais ne définissent pas de progressions d’apprentissage adaptées au développement et tertiaire. Le COC indique que les compétences devraient être intégrées dans toutes les matières, mais il ne fournit que peu d’indications, d’exemples ou de ressources pour faciliter la planification de cours interdisciplinaires intégrés. Il n’inclut pas d’exemples d’activités, d’évaluations, de matériel pédagogique ou de plans d’unité pour démontrer les concepts du cadre en action. Un soutien plus pragmatique est nécessaire pour actualiser les idées du COC dans la pratique de la classe.
En outre, en tenant compte du curriculum, il est important de préciser que ces dites compétences doivent prendre en compte le triptyque suivant : a) le type du profil de sortie de l’apprenant.e en relation avec les orientations politiques, elles-mêmes conditionnées par l’environnement socio-économique, les valeurs et la demande sociale ; b) les contenus et leurs regroupements par disciplines ou champs disciplinaires ; c) les processus d’enseignement-apprentissage (Xavier Roegiers, 2008)
Deuxièmement, le rôle des technologies éducatives doit être plus développé, compte tenu de l’importance croissante des TIC pour l’enseignement et l’apprentissage modernes, et de la fracture numérique dans la société haïtienne. L’alphabétisation numérique est mentionnée mais doit être définie de manière plus approfondie. L’intégration des technologies est largement encouragée, sans que l’on sache comment elle pourrait transformer substantiellement les expériences d’apprentissage, améliorer l’inclusion, promouvoir un apprentissage plus approfondi ou permettre des pédagogies plus centrées sur l’élève. Les mises à jour futuristes proposées, telles que l’analyse de l’apprentissage, l’intelligence artificielle et les systèmes d’apprentissage adaptatifs, sont absentes. Il faut plus de clarté et d’exemples sur les applications technologiques qui pourraient rendre la vision du COC évolutive (Reimers et Chung, 2016).
Troisièmement, le COC recommande des processus d’amélioration continue reposant sur le suivi, l’évaluation et l’affinement itératif. Pour cela, il faudrait davantage de détails sur la manière de mettre en œuvre ce cycle. Le Cadre commun risque de devenir un document statique plutôt que d’évoluer en fonction des impacts mesurés. L’intégration d’une conception basée sur la recherche continue est essentielle pour innover et adapter les programmes de manière dynamique (Bell, 2004). Dans l’ensemble, l’accent mis sur la mesure, l’analyse et les cycles d’apprentissage structurés pourrait renforcer la mise en œuvre des programmes d’études à grande échelle.
Enfin, le COC a été créé à l’issue d’une consultation louable des parties prenantes de l’éducation. Toutefois, la participation des enseignants, des chefs d’établissement, des responsables de district, des experts en programmes d’études, des employeurs, des jeunes et des communautés marginalisées pourrait être approfondie. Une participation plus large, combinée à des modules pilotes supplémentaires et à un prototypage agile des ressources, fournirait des informations supplémentaires permettant de perfectionner le COC et d’améliorer sa pertinence au niveau local.
Bien que le COC définisse une orientation convaincante, son potentiel ne pourra être pleinement exploité que si l’on s’attaque aux limites actuelles par le biais d’un programme concerté de recherche sur la mise en œuvre et d’apprentissage fondé sur la conception.
4- Recommandations pour l’avancement de la réforme du curriculum en Haïti
Bien que le COC établisse une vision importante axée sur les compétences, des efforts tangibles sont nécessaires pour combler les lacunes et maximiser son potentiel. Les recommandations suivantes s’appuient sur des recherches récentes et tertiaire. concernant les sciences de l’apprentissage, la conception de programmes centrés sur l’humain, l’intégration des technologies éducatives, l’éducation à l’environnement, ainsi que le suivi et l’évaluation. L’objectif est de stimuler la discussion sur les étapes suivantes afin d’améliorer de manière pragmatique le programme scolaire national d’Haïti et d’établir une culture d’amélioration continue.
4.1- Développer des progressions d’apprentissage claires et alignées sur les compétences en complément du COC
L’orientation du vers les compétences nécessite des progressions d’apprentissage cohérentes décrivant la manière dont les compétences et les connaissances se développent au fil du temps – en laissant ce point non spécifié, on risque un désalignement. Les enseignants ont besoin de conseils pratiques pour concevoir et organiser intentionnellement des activités d’apprentissage favorisant une maîtrise progressive (Hess & Gong, 2014). Une approche possible consiste à réunir les éducateurs afin de cartographier les trajectoires d’apprentissage pour chaque compétence à l’aide de ressources telles que l’Atlas of Science Literacy (AAAS, 2013). Des exemples de séquences et d’évaluations formatives peuvent ensuite être créés pour faciliter l’acquisition des compétences.
4.2- Promouvoir des expériences d’apprentissage authentiques et renforcées par la technologie
Le développement de compétences transférables nécessite d’immerger les élèves dans des environnements d’apprentissage authentiques et riches en technologies. Le FC devrait développer la culture numérique et fournir des exemples spécifiques de la manière dont la technologie peut amplifier l’engagement et approfondir l’apprentissage. Les simulations virtuelles, la réalité augmentée, les tuteurs pilotés par l’intelligence artificielle et les logiciels adaptatifs pourraient rendre les compétences clés plus expérimentales. La création de contenu à l’aide d’outils numériques favorise la communication et la créativité. Les portfolios électroniques permettent aux étudiants d’autogérer le développement de leurs compétences (Reimers & Chung, 2016). Des matières comme l’informatique peuvent enseigner la pensée computationnelle. L’utilisation de la technologie et des médias à des fins de création, d’analyse et de communication authentiques devrait devenir centrale plutôt qu’accessoire.
4.3- Utiliser l’analyse de l’apprentissage et l’IA pour des parcours d’apprentissage personnalisés
Les analyses d’apprentissage émergentes basées sur les données et l’intelligence artificielle peuvent permettre un apprentissage personnalisé basé sur les compétences et adapté aux besoins et au rythme de chaque élève. Il faut noter que les plateformes de tutorat par l’intelligence artificielle comme Third Space Learning, qui s’adaptent en temps réel en fonction de la compréhension et de l’engagement de chaque élève, pourraient compléter efficacement l’enseignement dispensé par les enseignants, en particulier pour l’inclusion. De même, l’analyse prédictive de l’apprentissage qui signale les lacunes en matière de connaissances peut aider les enseignants à affiner les activités et le contenu. Le fait d’axer ces systèmes d’apprentissage adaptatif sur les compétences prioritaires et les compétences fondamentales peut contribuer à la différenciation.
4.4- Concevoir des programmes d’études adaptatifs par le biais d’un contrôle continu
Le COC se présente comme un document fixe alors qu’il devrait adopter des approches de conception plus adaptatives et centrées sur l’apprenant. Des recherches récentes soutiennent un paradigme de “curriculum d’apprentissage” qui évalue en permanence les données des étudiants afin de modifier les activités et les outils en fonction des besoins (Fullan et al., 2018). La recherche sur la mise en œuvre fondée sur la conception devrait être intégrée pour guider les itérations rapides (Bell, 2004). Grâce à une conception flexible, la cocréation locale de modules de cours permet d’obtenir un retour d’information en temps réel afin d’améliorer l’adéquation. L’intégration de ces processus de suivi et d’amélioration agile alimentés par des technologies collaboratives peuvent permettre un apprentissage réactif et équitable centré sur l’élève.
4.5- Favoriser une culture d’amélioration continue fondée sur les données
Il est impératif d’adopter un état d’esprit et des processus d’amélioration continue fondés sur les données. Le COC peut catalyser des normes dans lesquelles les enseignants s’engagent dans une recherche collaborative et un partage des connaissances afin d’améliorer progressivement leurs pratiques (Hirsh et Killion, 2009). La pensée conceptuelle peut être intégrée dans la formation initiale et continue des enseignants. Le suivi des facteurs de mise en œuvre et l’évaluation des résultats d’apprentissage à l’aide de sources de données quantitatives et qualitatives devraient guider l’amélioration du système éducatif. Une culture valorisant les preuves, l’expérimentation et la croissance est essentielle.
En outre, des études longitudinales peuvent aider à évaluer l’impact à long terme du COC et d’autres documents complémentaires à celui-ci. Des études longitudinales suivant des cohortes d’élèves sur plusieurs années permettraient d’évaluer l’effet de l’approche par compétences. En mesurant les progrès en matière de compétences clés à intervalles réguliers, ces études fourniraient des données précieuses sur l’acquisition effective des compétences visées et sur l’impact du COC. Elles permettraient d’identifier les points forts et les lacunes du dispositif sur le long terme. Les résultats orienteraient aussi les futures améliorations à apporter au COC pour optimiser les acquis des élèves. Ce type d’études longitudinales requiert des ressources mais apporte un éclairage inestimable sur l’efficacité réelle du COC et ses autres documents complémentaires.
4.6- Intégrer l’éducation à l’environnement dans toutes les matières
Enfin, l’éducation environnementale mérite d’être mieux intégrée, compte tenu des vulnérabilités écologiques d’Haïti. La priorité de durabilité “verte” du COC exige des expériences d’apprentissage qui développent les connaissances, les valeurs, les compétences et les comportements en faveur de la gestion de l’environnement (UNESCO, 1978). Les sciences et les études sociales offrent des pistes claires, mais l’apprentissage de l’environnement peut également se développer par le biais des langues, des mathématiques, des arts et de la technologie. Des domaines tels que les défis climatiques, la conservation, les énergies renouvelables, le jardinage et la résistance aux catastrophes méritent une attention particulière. Il est essentiel de combiner l’apprentissage en classe, les recherches pratiques en plein air et l’action communautaire, tout comme l’écologisation de l’infrastructure scolaire. L’éducation à l’environnement doit faire l’objet d’une attention transversale, parallèlement aux matières et priorités fondamentales.
En résumé, les recherches et les innovations récentes offrent des possibilités de remédier aux limites du COC et de mettre en pratique des programmes d’études axés sur les compétences, éthiques et inclusifs, centrés sur l’apprenant. Pour ce faire, des efforts ciblés sont nécessaires pour renforcer les capacités systémiques des acteurs et les cultures de collaboration en vue d’une réflexion sur la conception fondée sur des données probantes.
4.7- Les leçons apprises
Il appert que les réformes des curricula en Afrique ont mis en évidence la nécessité d’œuvrer pour un véritable changement de ceux-ci reposant sur trois éléments centraux, savoir : l’évaluation des acquis, la formation des enseignants et les pratiques de classe et les manuels scolaires. Pour ce faire, il est important de faire le choix de la pédagogie de l’intégration des acquis, une autre manière de concevoir l’approche par compétences [Xavier Roegiers, 2008].
Par ailleurs, le focus sur la justice sociale doit faire partie des termes des finalités de la réforme. En conséquence, l’approche par les capabilités (AC) découlant du modèle de l’économiste indien, Amartya Sen (1994), constitue une piste de réflexion à suivre concernant les actions publiques d’éducation comme proposé dans une analyse des politiques publiques en Belgique [Verhoeven, M., Orianne, J-F., Dupriez, V. (2005)]. L’Approche de Sen nous permet un regard innovateur sur la manière de concevoir la justice sociale en relation avec le monde scolaire [Willems, T. ; Leyens, S. (2010)]. Dans une recherche menée en Afrique du Sud par R. Peppin Vaughan et M. Walker (2012) sur le développement de professionnels d’origine socio-économique défavorisée, il appert que, du point de vue du développement humain et des capabilités, l’objectif idéal de l’éducation est de permettre aux étudiant.e.s de prendre conscience de ces valeurs et les développer en les exposant aux réalités d’un monde plus large parallèlement au développement de la pensée critique, du raisonnement pratique et de l’accès aux connaissances, plutôt que de dicter directement des valeurs aux étudiant.e.s, ou bien d’insister sur une version du/de la « bon.ne » professionnel.
Conclusion
En conclusion, le nouveau COC d’Haïti représente une étape significative vers la redéfinition de l’éducation afin d’améliorer la qualité, la pertinence et l’équité de l’apprentissage de tous les élèves. L’adoption d’objectifs axés sur les compétences et fondés sur des valeurs morales partagées constitue une base solide. Le cadre reflète les meilleures pratiques mondiales, en mettant l’accent sur le bilinguisme, l’inclusion et l’alignement des différents niveaux d’apprentissage. Toutefois, pour passer de la vision à la réalité, il reste encore du travail à faire. L’intégration de la recherche sur les sciences de l’apprentissage, la conception centrée sur l’humain, la technologie éducative et le suivi, associée à de vastes partenariats, peut aider à traduire le Cadre de référence en outils et pratiques qui optimisent les résultats. Il faut pour cela développer des capacités locales de prototypage participatif et rapide et d’amélioration itérative. S’engager dans le programme scolaire en tant que processus d’apprentissage adaptatif, d’innovation et de mobilisation permettrait à Haïti de progresser vers des écosystèmes d’apprentissage plus autonomes et durables bénéficiant à chaque enfant. Alors que la réorganisation du curriculum est un voyage en cours, le COC offre une feuille de route vitale pour guider la transformation.
Auteur: Ezechiel Macon- MBA, MA, PMP, Prince2 Practitioner, SMC.
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