Nesmy Manigat, investi à la tête du MENFP le 26 novembre 2021 par le ministre de l’Environnement, James Cadet, au nom de l’ancien Premier ministre par intérim Ariel Henry, a exercé ses fonctions pendant environ deux ans et demi. Sa nomination s’est inscrite dans un contexte marqué par de profonds défis socioéconomiques, politiques et environnementaux, peu après le séisme du 14 août 2021 qui a gravement affecté le Grand Sud. Dès son entrée en fonction, il a réactivé les 12 mesures qui ont guidé son action, faisant de son mandat une nécessité urgente de répondre aux besoins critiques du secteur éducatif.
À son arrivée à la tête du MENFP, il a accordé la priorité à trois zones d’intervention : le Grand Sud, ravagé par le séisme du 14 août, qui nécessitait une mobilisation d’efforts plus soutenus, demandant une synergie parfaite entre l’État, la société civile haïtienne et la communauté internationale ; les zones de non-droit gangrenées par le grand banditisme, privant les enfants de l’accès à l’école et portant atteinte à leur droit à l’éducation en toute circonstance ; et la zone frontalière, pour laquelle il prônait la mise en place d’infrastructures scolaires supplémentaires afin de retenir les enfants haïtiens, souvent contraints de franchir la frontière.
Sous son mandat, plusieurs initiatives significatives ont été entreprises pour renforcer le système éducatif haïtien. Parmi ces réalisations, deux se distinguent particulièrement. Tout d’abord, la promotion de la langue créole, qui visait à en faire la langue d’enseignement et d’apprentissage des deux premiers cycles de l’enseignement fondamental. Cela a conduit à l’adoption du Cadre d’orientation curriculaire (COC) destiné à développer les compétences et les valeurs des élèves haïtiens. Ensuite, l’introduction du « LIV INIK » dans les écoles publiques et privées pour les élèves des 1er et 2e années fondamentales a marqué une avancée importante dans l’harmonisation des ressources pédagogiques.
Voici listées diverses réalisations et décisions prises par le MENFP sous sa tutelle :
- Arrêté portant création, organisation et fonctionnement de la CoNaSTI (Commission Nationale de la Science, la Technologie et l’Innovation au sein du ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle) ;
- Arrêté portant création de la Commission Nationale du Curriculum (CNC) ;
- Décision ministérielle transformant le Comité Interinstitutionnelle d’Éducation Non Formelle (CIENF) en la Commission Interinstitutionnelle d’Éducation Non Formelle (CIENF) ;
- Décision ministérielle portant sur le processus de gestion des cohortes d’élèves des écoles fondamentales publiques et des lycées ;
- Décision ministérielle portant la mise en œuvre de la politique de gestion de proximité en milieu scolaire haïtien ;
- Décision ministérielle fixant les grandes orientations du processus de reconnaissance et d’accréditation des écoles privées ;
- Décision ministérielle portant création du Master Management, Direction et Gestion des Établissements Scolaires Publics (MSE/MDGESP) ;
- Décision ministérielle portant création et organisation de l’Unité de Coordination des Écoles Fondamentales d’application Centres d’Appui Pédagogique (UCEFACAP) ;
- Desizyon ministeryèl ki konsène finansman sèl materyèl didaktik an kreyòl nan 4 premye ane lekòl fondamantal la ;
- Décision ministérielle portant sur le retrait provisoire du Permis de fonctionner (Licence) des écoles impliquées dans des cas de fraudes aux examens d’État 2023 ;
- Décision ministérielle portant sur le financement exclusif des manuels didactiques en Créole pour le 1er cycle de l’école fondamentale ;
- Circulaire portant sur la plateforme e-certificat/Livraison en ligne de certificats et de relevés de notes ;
- Circulaire portant sur la nomination d’un Recteur a.i. à l’Université publique de l’Artibonite aux Gonaïves (UPAG) ;
- Circulaire de la création d’un Groupe de travail sur la gouvernance des institutions d’enseignement en sciences de la santé et la problématique de l’accréditation des facultés de médecine en Haïti ;
- Circulaire portant création d’un lycée dans le département du Sud-est ;
- Circulaire portant sur le recensement général des écoles de la République ;
- Circulaire portant sur la nomination du vice-recteur à la recherche à l’Université Publique de l’Artibonite Aux Gonaïves (UPAG) ;
- Circulaire portant à la création d’un comité de vérification dans le cadre de l’introduction des livres scolaires uniques pour les élèves de premières et deuxièmes années ;
- Circulaire portant sur la nomination du vice-recteur aux affaires académiques à l’Université Publique du Sud-est à Jacmel (UPSEJ) ;
- Circulaire portant sur la nomination du vice-recteur à la recherche à l’Université Publique du Sud Aux Cayes (UPSAC) ;
- Circulaire portant sur la nomination du vice-recteur à la recherche à l’Université Publique de Nippes ;
- Circulaire portant sur la nomination du vice-recteur à la recherche à l’Université Publique du Nord-Est à Fort Liberté (UPNEF) ;
- Circulaire portant sur la nomination du vice-recteur aux affaires académiques à l’Université Publique du Nord au Cap-Haïtien (UPNCH) ;
- Circulaire portant sur la nomination du vice-recteur à la recherche à l’Université Publique du Nord au Cap-Haïtien (UPNCH) ;
- Circulaire portant sur la nomination du vice-recteur recteur aux affaires académiques à l’Université Publique du Centre (UPC) ;
- Circulaire portant sur la nomination du vice-recteur aux affaires académiques à l’Université Publique du Sud Aux Cayes (UPSAC) ;
- Circulaire portant sur la nomination du vice-recteur aux affaires académiques à l’Université Publique de l’Artibonite Aux Gonaïves (UPAG) ;
- Circulaire portant sur la reconnaissance officielle des Établissements d’enregistrement supérieur, l’accréditation des programmes universitaires et la diplomation ;
- Circulaire ministérielle instituant le Comité technique de Pilotage (CTP) Projet de Soutien du Bureau International d’Éducation de l’UNESCO (UNESCO-BIE) à la mise en œuvre de la Réforme curriculaire du MENFP ;
- Circulaire portant clarification sur les documents sanctionnant les examens de fin d’Études fondamentales ;
- Circulaire rappelant aux directeurs d’école publique les frais annuels à réclamer aux élèves ;
- Circulaire portant rappel sur les procédures de livraison des chèques des personnels ;
- Circulaire portant rappel sur la nécessité d’éviter des conflits d’intérêt dans l’administration publique ;
- Circulaire ministérielle portant consolidation de l’école fondamentale via le CFEF et les EFACAP ;
- Circulaire portant création de la Commission de régularisation et de modernisation des lycées de la République ;
- Circulaire portant création de la Commission de régularisation des lycées de la République ;
- Circulaire portant sur le renforcement de la régularisation des Écoles techniques et professionnelles, et des institutions d’enseignement supérieur ;
- Arrêté de l’application de l’article 16 du décret du 05 avril 1982 portant création du Centre Permanent d’Évaluation (CPEV).
Avant le mandat de Nesmy Manigat, le système éducatif haïtien était marqué par une série de défis structurels, notamment un manque de ressources, une faible coordination institutionnelle, et une grande disparité dans l’accès à l’éducation, marquée par des crises politiques et des catastrophes naturelles récurrentes. Sous sa direction, des efforts considérables ont été faits pour remédier à certaines de ces lacunes. Nous pouvons considérer en ce sens le Cadre d’orientation curriculaire (COC) qui a fourni une direction plus claire pour l’éducation, en plaçant le créole au cœur de l’enseignement, ce qui a contribué à une meilleure inclusion linguistique et culturelle des élèves. De plus, l’introduction du « LIV INIK » a simplifié l’accès aux ressources pédagogiques de base, particulièrement dans les premières années d’apprentissage.
Cependant, il serait factice de ne pas aborder les initiatives superfétatoires de Nesmy Manigat ainsi que les scandales qui ont, sous sa tutelle, terni l’image du MENFP et fragilisé la confiance du public. Tout d’abord, des accusations ont été formulées à l’encontre du ministre concernant le non-respect de promesses faites lors du lancement de l’année académique 2022-2023. Le gouvernement avait en effet annoncé un programme de soutien financier de quinze mille (15.000) gourdes au bénéfice des parents d’élèves inscrits dans des écoles publiques et privées. Or, à la stupéfaction générale, l’année scolaire s’est achevée sans que ce programme ne soit mis en œuvre.
Ensuite, dans un contexte où les écoles nationales des différents départements manquent cruellement de classes et d’espace, la décision de fermer les classes du troisième cycle fondamental dans les lycées s’est révélée irréfléchie, voire préjudiciable pour les familles.
Enfin, malgré les promesses répétées visant à doter chaque élève des deux premiers cycles fondamentaux d’un manuel scolaire unique, bon nombre d’élèves, de parents et d’écoles n’ont rien reçu. Si l’on reconnaît qu’aucune disposition n’a encore été prise pour les classes de 5e et de 6e années fondamentales, il n’en demeure pas moins que les manuels imprimés pour les premières et deuxièmes années sont insuffisants. De plus, aucun manuel n’a été imprimé pour les classes de 3e et 4e années fondamentales, en dépit de la publication d’un Cahier des charges à destination des éditeurs d’ouvrages pédagogiques.
Ainsi, le mandat de Nesmy Manigat a posé les bases pour une approche plus structurée et inclusive de l’éducation en Haïti. Et son bilan, bien que positif dans plusieurs domaines, laisse entrevoir la nécessité d’une continuité dans les réformes engagées, ainsi qu’un engagement renouvelé de l’État haïtien et de la communauté internationale dans l’accompagnement de la reconstruction et le développement d’un système éducatif qui peut tenir face aux différentes crises.