Réformes et réajustements du système éducatif haïtien

PREMIÈRE PARTIE

INTRODUCTION

Dans l’histoire de l’éducation haïtienne, les réformes éducatives (tentatives de réformes éducatives) ont toujours fait l’objet de préoccupations majeures chez les décideurs de la politique éducative. Entre autres, les mesures de Dantès Bellegarde qui ont conduit à la création du Certificat d’Aptitudes Pédagogiques pour les candidats aux fonctions de l’enseignement et la loi du 4 août 1920 portant organisation de l’université d’Haïti. La réforme éducative de Maurice Dartigue des années 40 qui s’attachait à créer une ouverture de l’école haïtienne sur l’espace des anciens occupants américains tout en rejetant la dépendance de l’école haïtienne de la culture française et réaffirmant la nécessité d’une école nationale véhiculant des valeurs haïtiennes. A ce sujet, Verna, C. F. (2007)[1] a souligné ce qui suit :

“He advanced reform efforts intended to broaden access to public education, professionalize Haiti’s civil service system, acquire resources by collaborating with foreign nations (particularly the United States), and promote a Haitian national culture that was self-defined, rather than dependent on French culture”.

Cette école nationale prônée par Dartigue avait prévu, « dans le cadre de l’enseignement rural, une parcelle de terre attachée à chaque établissement scolaire aux fins d’expérimentation » (Roblin, 2008).

Il y a exactement 40 ans, en 2022,  Joseph C. Bernard en 1979, dans le cadre du Plan quinquennal d’Education (1981-1986) préparé dans le contexte de la Réforme en cours à l’époque, engageait déjà le pari de « l’extension de la scolarisation primaire de base à l’ensemble des enfants d’âge scolaire », réorientait le système éducatif national (fusion entre l’école rurale et l’école urbaine) et introduisait les principes de base d’une école haïtienne nationale et ouverte sur le monde (World Data on Education, 2006/2007)[2].

Plus près de nous, quelques années plus tard (1997), dans une perspective de renforcement des acquis de la Réforme éducative d’alors, appelée à juste titre « Réforme Bernard », le Plan National d’Education et de Formation (PNEF), s’inscrivant dans la mouvance des recommandations de Jomtien, exprimait, dans le cadre de la définition de la Politique Générale du secteur éducatif pour la décennie 1997-2007, la vision d’«une éducation haïtienne de qualité accessible à tous les citoyens…». A travers le programme d’expansion de l’offre scolaire y relatif, est explicité l’objectif de « garantir six (6) années de scolarisation complète à tous les enfants du groupe d’âge 6-11 ans ».

Ainsi, il est évident que jusqu’en 1997, certaines orientations philosophiques de la réforme éducative de 1979 ont été retenues et ont constitué la clef de voute du PNEF. Il y a cet esprit de continuité qui a traversé les tenants de 1997 et, ceci, à nos jours. La réforme de l’enseignement secondaire dont la première année d’expérimentation remonte à 2007 n’est autre qu’une application retardée du décret du 30 mars 1982 tout en s’inscrivant dans le cadre de la matérialisation de l’axe « amélioration de la qualité » du PNEF.  Les travaux du GTEF[3] en 2011 ne vont pas l’encontre des acquis de 1997. La lecture de la version finale du plan opérationnel du ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle de 2011 fait ressortir une expression d’un cadre de mise en œuvre effective de la réforme Bernard. Le décret présidentiel de 2014 en relation avec les douze (12) mesures, s’appuyant sur des articles du décret du 30 mars 1982, vise la réforme du secteur de l’éducation avec l’objectif affiché de compléter la réforme de 1982. Toujours dans la même lignée, le Plan Décennal d’Education et de Formation (PDEF)[4] de 2020 a servi de porte d’entrée des nouveaux programmes du troisième cycle fondamental actuellement en expérimentation dans le cadre du projet NECTAR.

Les lignes qui suivent tenteront de faire une historique des réformes curriculaires en Haïti tout en décrivant leur essence à partir un cadre théorique d’analyse en vue de préconisations pour de futures réformes prises dans le sens de « changements de caractère profond, radical apporté à quelque chose, en particulier à une institution, et visant à améliorer son fonctionnement »

  1. Cadre d’analyse

Une réforme, notion polysémique, en éducation accepte diverses significations dans la littérature. Un point sur lequel les auteurs s’entendent est le fait qu’une réforme en éducation est l’expression d’une politique publique (Novoa, A., Pons, X., Ndoye, M. &Weinsten, J., 2020)[5]. En Haïti, comme dans d’autres pays comme la France[6], c’est une prérogative du ministère chargé de l’éducation nationale. Et, généralement, les reformes portent les noms des ministres qui les ont initiées. Exemples : la réforme Joseph C. Bernard, la réforme Haby, etc.

Une reforme éducative peut aussi se traduire par des changements au niveau du curriculum. Des raisons pour changer un curriculum, totalement ou partiellement, vont de l’évolution des systèmes économiques, sociaux et culturels, en passant par le suivi d’une demande sociale en aménageant des approches pédagogiques nouvelles, le développement d’ordre scientifique ainsi que celui de ses modèles didactiques correspondants jusqu’aux résultats des évaluations du système éducatif (Miled, 2005).

« En réalité dans le monde éducatif, le terme de « réforme » recouvre deux significations : d’une part, des réformes institutionnelles importantes (lois), d’autre part, des modifications pédagogiques et administratives plus modestes (arrêtés, circulaires et notes de service) qui sont rendues quasi obligatoires pour la gestion d’une organisation » (Thomas, F. 2019)[7]. La première signification implique une modification totale du curriculum, donc de l’école, basée sur une vision de l’éducation traduite dans une politique éducative et déclinée en termes de finalités, buts, objectifs généraux, objectifs spécifiques, méthodes pédagogiques. Stratégies d’évaluation des apprentissages, etc. Tandis que la deuxième constitue une modification partielle du curriculum qui pourrait se porter sur un niveau d’enseignement, une discipline d’enseignement, l’introduction d’une nouvelle discipline dans le curriculum en usage, etc.

Ces modifications ont un impact direct sur la gestion et la nature du curriculum. C’est – à- dire, elles peuvent induire des changements dans les programmes d’études et les méthodes d’enseignement utilisés dans les écoles.  Ces réformes dites curriculaires peuvent inclure aussi des changements dans les matières enseignées et les évaluations[8].

Toute réforme éducative est « celle d’ambitions, de gains importants, de lacunes, et de réformes entamées mais non finies » (BIRD, 2007)[9]. Elle définit aussi des attentes de changement significatifs et positifs. Selon Ndoye, M. (2020)[10], s’agit-il de ces dernières « l’examen des politiques étatiques de réforme, sous l’angle des caractéristiques dominantes, révèle trois grands types d’attentes.

    « De telles attentes relèvent d’ambitions et de complexités différentes voire inégales ». (PP. 45-46).

La reforme éducative définie par le décret-loi du 30 mars 1982 en est un exemple vivant. En effet, entre autres attentes de changement significatif, ce dernier « organise le système éducatif haïtien en vue d’offrir les chances égales à tous et de refléter la culture haïtienne » tout en visant de « faire de la dite reforme éducative l’un des instruments fondamentaux du développement économique et social de la nation » (P. 4).

  1. LES RÉFORMES CURRICULAIRES DU SYSTEME EDUCATIF HAITIEN

Ce n’est un truisme pour les spécialistes du secteur qu’une reforme éducative, produit d’une politique publique, visant à une transformation globale du système éducatif, peut ne pas s’intéresser à un changement du curriculum qui soutient le système. Il peut s’intéresser à la construction d’’établissements scolaires, l’augmentation de l’accès, des innovations de gestion, etc. Mais, il est très rare que ces dernières ne mettent pas centre de leurs actions une reforme impliquant un changement curriculaire, au point que les observateurs confondent reformes éducatives et reformes curriculaires. Comme souligné dans un paragraphe précèdent la différence entre changement curriculaire total et changement curriculaire nous amène à penser, beaucoup de reformes curriculaires entreprises en Haïti peuvent être assimilées à des tentatives tant qu’elles n’ont pas su satisfaire chez la communauté éducative les attentes qu’elles avaient créées lors de leur publication par les autorités chargées de l’éducation.

Les paragraphes qui suivent décriront dans l’ordre chronologique, en se servant des textes de loi et administratifs, mais surtout des documents d’orientation et des plans qui directement ou indirectement pourraient induire des reformes curriculaires[11]. Trois périodes seront considérées : avant l’occupation américaine (1860-1913), pendant l’occupation américaine (1915-1934) et post occupation américaine (1935 à nos jours).

Cette période peut être considérée comme celle de la consolidation des premières actions de structuration d’un système éducatif haïtien qui passait par des déclarations d’intentions en faveur de l’institutionnalisation d’établissements scolaires sans préoccupations aucunes de l’établissement d’un curriculum. La préoccupation à l’époque était de protéger les acquis de l’indépendance contre un retour éventuel des colons français. En peu de mots, c’était la période la continuité de la guerre de l’indépendance.

En effet, la constitution impériale de 1805 stipulait : « Dans chaque division militaire, une école publique sera établie pour l’instruction de la jeunesse ». Mais, à cette époque, avec six divisions militaires, il n’y avait que 6 écoles publiques sur le territoire de l’empire.

Selon ST-FORT, J.L. (2016)[12], le « roi Christophe » (Henri 1er), en 1815, a fondé une Académie royale comprenant : 1) une Ecole de Médecine, 2) une Ecole de Chirurgie et de Pharmacie, 3) une Ecole des Arts et Métiers et 4) une Ecole d’Agriculture. Des écoles nationales urbaines de garçonnets furent fondées, un établissement d’enseignement primaire institué dans chaque régiment pour que les soldats apprennent à lire, à écrire et à compter et, en faisant le choix du système éducatif anglais, des leçons de grammaire et d’arithmétique seront enseignées. La présidence d’Alexandre Pétion, de 1806 à 1819, malgré la construction du lycée portant son nom, a surtout favorisé l’émergence des écoles privées et la gratuité de l’école primaire publique.

Selon Pierre, D. (2012)[13], la loi du 4 juillet 1820, en son article 11 stipulant que « Il sera établi aux frais de l’Etat quatre écoles primaires, destinées à l’instruction gratuite élémentaire des enfants, des citoyens, tant civils que militaires, qui auront rendu des services à la Patrie ». Cette disposition légale créait une discrimination dans l’accès à l’éducation des enfants de la république.

La création du ministère de l’instruction publique en 1844, avec Honoré Ferry comme ministre (considéré comme étant le premier réformateur du système éducatif haïtien), tout en conservant des écoles de filles séparées de celles des garçons, donna naissance à « l’école secondaire spéciale (une école primaire supérieure entre le primaire urbain et l’enseignement classique supérieur du lycée). Cette dernière était réservée aux carrières professionnelles comme : l’arpentage, la comptabilité, la chimie agricole ou industrielle, la mécanique, la tenue des livres, l’orfèvrerie, la menuiserie, l’ébénisterie ou d’autres emplois (juge de paix, greffier, archiviste) »[14]. On a observé ainsi, un début de diversification des filières au niveau de l’enseignement secondaire.

En 1860, avec la signature du concordat entre l’état haïtien et l’église catholique représentée par le Saint Siege, le système éducatif haïtien rentre dans un processus d’ouverture sur le monde extérieur accélérant ainsi celui de transfert du système éducatif français vers le nôtre (ST-FORT, J. L., 2016). Ce phénomène à l’époque n’était pas nouveau compte tenu du nomadisme et de l’influence croissante des échanges que provoquait les rencontres entre peuples. On assistait à des transferts culturels, mais surtout à des transferts de savoirs et de la foi chrétienne (Criblez, L. & Hofstetter, R., 2018)[15]. Ce transfert va s’incruster dans le système éducatif haïtien jusqu’au vingtième siècle. Cependant, il a permis une première phase de consolidation caractérisée par une nouvelle façon de voir l’école haïtienne s’appuyant sur les modèles français. Les divers textes légaux et administratifs qui ont suivi cette période ont montré ce souci des législateurs d’alors de donner du sens au système éducatif haïtien.

En effet, une brève analyse des lois du livre de Bouchereau, C. (1914), titré la législation scolaire d’Haïti[16], révèle, entre autres des variables liées au fonctionnement des écoles, des tentatives de reformes curriculaires par i) la promulgation des modalités de sanctions des études pour l’obtention des certificats d’études primaires des premier et deuxième degrés ; ii) la publication des échelles des notes  en vue de la sanction des études ; iii) le nombre d’épreuves à administrer à l’occasion des examens officiels ou d’état et iv) la définition des  programmes d’enseignement ainsi que les plans d’étude pour les écoles  primaires, rurales et urbaines, accueillant des garçons et des filles. Les plans d’’études et programmes sont aussi définis pour les écoles secondaires.

Selon ST-FORT, J.L. (2016), « de 1915 à 1922, sous la présidence de Philippe Sudre Dartiguenave, il n’y a pas eu de changement au niveau de l’organisation du système éducatif haïtien. Borno s’opposait clairement à toute réforme du système éducatif haïtien selon le modèle américain.

De 1918 à 1922, Dantès Bellegarde, le Secrétaire d’État à l’Instruction publique, a fourni des efforts considérables. Sa réforme portait sur l’inspection scolaire, les conditions d’admissibilité aux fonctions enseignantes, l’enseignement primaire et l’enseignement supérieur ».

Malgré le renforcement de l’éducation rurale dont Maurice Dartigue, en sa qualité de directeur de l’éducation, allait reformer, les réalisations (comme l’introduction de l’éducation civique, l’utilisation du créole dans les classes élémentaires inferieures pour l’enseignement oral de l’agriculture, de la santé, des arts manuels et de l’arithmétique, etc.) n’étaient pas portées sur une reforme curriculaire à proprement parler. L’utilisation du créole faisait partie d’une stratégie d’haïtianiser l’éducation rurale. Cependant, on retiendra que, contrairement à la croyance populaire, Maurice Dartigue est le premier réformateur de l’éducation en Haïti à introduire la langue créole comme langue d’enseignement dans les salles de classe haïtiennes.

Cette période est celle où les grandes réformes éducatives ont eu lieu dans une perspective de quête existentielle systémique. De fait, les changements fréquents de régime politique ont entrainé des changements de ministres de l’éducation créant ainsi une instabilité dans la gestion de l’orientation éducative. A l’analyse, cette période a connu deux grandes reformes éducatives assorties d’un ensemble de tentatives en termes de correction en vue d’atteindre les objectifs des dites réformes.

Avant de devenir ministre de l’Instruction publique, Jean-Joseph Maurice Dartigue, ancien boursier de l’Ecole Centrale d’Agriculture, sous l’occupation américaine, détenteur d’une maitrise en éducation de Teacher’s Columbia School of New-York (USA), a été Directeur de l’Education rurale de 1931 à 1941. Trois types d’écoles rurales existaient à l’époque : i) les fermes-écoles fondées par les occupants américains, ii) les écoles presbytérales et iii) les écoles publiques nationales.

En vue de reformer le secteur rural de l’éducation, Dartigue a mené une enquête auprès de huit cent quatre-vingt-quatre (884) familles vivant en milieu rural (M. Dartigue, 1938). Sur la base des résultats, il a dégagé sa vision de l’école rurale qui peut se résumer ainsi : démocratisation, modernisation, haïtianisation et professionnalisation. Cette vision a conduit aux décisions administratives et pédagogiques qui suivent :

  1. Centration de l’éducation sur les besoins de l’enfant avec une adaptation à son environnement de l’enfant ;
  2. Augmentation du nombre d’écoles pour filles et plaidoyer pour que davantage de femmes entrent dans la profession enseignante ;
  1. Ajout aux programmes d’études des enfants de l’éducation civique afin qu’ils puissent comprendre le concept de nation et se sentir appartenir à une nation, ainsi que développer la responsabilité, la discipline et l’initiative ;
  2. Introduction de la langue créole dans les premières années de l’école primaire afin de permettre au grand nombre d’enfants non francophones de comprendre ce qu’on leur apprenait et d’offrir une passerelle confortable vers leurs études ultérieures en français ;
  3. Remplacement des administrateurs et des instructeurs américains par des éducateurs haïtiens qui ont commencé à utiliser du matériel pédagogique haïtien (par opposition au français) ;

D’autres innovations et réformes comprenaient l’interdiction de la politique et du favoritisme du système éducatif; recueil et utilisation des données statistiques pour analyser les besoins du système ; adoption d’une approche scientifique de l’éducation et application des principes de la pédagogie; licenciement de tous les enseignants incompétents ; création d’un cadre de spécialistes de l’éducation de la fonction publique ; recherche de bourses pour des études supérieures à l’étranger; construction des écoles dans de meilleurs emplacements; Octroi du matériel scolaire essentiel; réorganisation des fermes-écoles qui avaient été introduites par l’occupation américaine sur le modèle de Booker T. Washington au Tuskegee Institute ; mise en place d’équipes mobiles qui se déplaçaient dans les campagnes pour aider les enseignants ruraux ; implication des parents et le reste de la communauté rurale adulte pour comprendre le but et la valeur de l’éducation, non seulement pour les enfants mais aussi pour eux-mêmes et recherche à éliminer la stigmatisation attachée au travail manuel en encourageant la poursuite de compétences professionnelles dans les écoles de métiers urbaines et en appréciant la valeur de l’agriculture[17].

Dartigue a été nommé Secrétaire d’Etat du Département de l’Instruction Publique, de l’Agriculture et du Travail en 1941 le 15 mai 1941. Après une vaste enquête lancée en 1942, il a voulu réorganiser complètement le système d’enseignement. D’après le rapport confidentiel sur l’éducation sous la présidence de Lescot, les différentes phases de la réforme Dartigue devait suivre cinq étapes (Pierre, 2012, p. 454-458) :

  1. Mobilisation des moyens financiers ;
  2. Nomination et préparation d’un personnel compétent ;
  1. Réforme dans le programme et les méthodes & Enseignement primaire ;
  2. Modification dans le programme de l’Ecole Normale de filles ;
  3. Réforme de l’enseignement secondaire et de l’enseignement professionnel.

Dartigue a également essayé d’organiser l’enseignement supérieur sur de nouvelles bases par la publication de plusieurs lois, décrets, arrêtés, circulaires et contrats relatifs à l’enseignement supérieur : i) contrat du 28 octobre 1941 signé entre le Gouvernement haïtien et le Conseil d’Administration de l’Ecole des Sciences Appliquées, et plaçant l’Ecole sur le contrôle du Département de l’Education Nationale ; ii) le décret-loi du 1er septembre 1942 sur les Ecoles Libres de Droit ; iii) l’arrêté du 31 mars 1943 créant le Conseil de l’Université ; iv) le décret-loi du 13 janvier 1944 créant la Faculté de Droit1 ; v) le décret-loi du 27 décembre 1944 créant l’Université d’Haïti.(ST-FORT, J.L. 2016)

Plus loin, ST-FORT, J.L (2016) souligne que la première campagne d’alphabétisation en créole a eu lieu sous le ministère de Dartigue en utilisant l’écriture phonétique du créole inventée à la fin des années 1930 par deux missionnaires méthodistes américains : H. Ormonde McConnell et Frank Laubach. Ces deux derniers ont fait une expérience pilote de l’enseignement de l’écriture du créole à des adultes de Tapion (Petit-Goâve), au sud d’Haïti. Le gouvernement de Lescot s’est inspiré de cette expérience originale pour s’attaquer au problème d’analphabétisme.

A l’analyse devenu ministre de l’Instruction publique, l’approche managériale de l’éducation de Dartigue n’a pas changé. Elle débute toujours par la collecte de données en vue de prendre des décisions informées. Ses décisions ministérielles ne font qu’accentuer le prolongement de celles qu’il avait prises dans le milieu urbain tout en laissant intacte la division école rurale Vs école urbaine, de telle sorte qu’elles n’ont pas vraiment d’impacts sur le pédagogique. D’ailleurs, les textes lus et analysés sur sa réforme éducative n’éclairent pas trop sur une reforme curriculaire pour laquelle des attentes ont été créés. Les programmes et plan d’études publiés par les ministres qui l’on précédé, sauf l’ajout de l’éducation civique, la culture haïtienne, l’introduction du créole dans les salles de classe, etc., ont été en vigueur dans les salles de classe sous son ministère. La réforme éducative de Dartigue a été une reforme d’ingénierie organisationnelle du ministère, de l’augmentation du capital humain dans les secteurs de l’éducation et de l’enseignement, de consolidation des acquis au profit des femmes et filles du secteur et d’élimination de la corruption dans l’enseignement

Selon Saint Germain, M. (1997)[18], la réforme éducative de 1979 a comporté deux volets. Le premier a concerné la réforme administrative et le deuxième, la mise en place de l’aide à la réforme de l’enseignement.

En septembre 1979, il y eut promulgation de la loi organique restructurant le Département de l’éducation nationale. On poursuivait trois objectifs :

En ce qui concerne, le 2e volet, dans sa globalité, cette réforme a visé une restructuration complète du système d’enseignement tel qu’il a existé et elle a réorganisé de façon progressive le régime des études introduisant ainsi le niveau d’enseignement fondamental dans le vocabulaire du système éducatif haïtien.

Selon le livre vert de la réforme éducative, les principes qui ont guidé le 2e volet de la réforme éducative sont :

  1. Assurer une base de connaissances générales â tous les élèves tout en développant des habiletés, des compétences, des attitudes mentales et des motivations, mobilisables et rentables en terme d’adaptabilité, de créativité, de participation â l’amélioration des conditions de vie individuelle et collective et en général, au développement social et économique du pays.
  2. Proposer un type d’éducation différent de l’enseignement primaire traditionnel, par le recours à des méthodes pédagogiques souples et aux diverses ressources éducatives de la collectivité. L’enseignement fondamental doit lier étroitement ce qui s’apprend à l’école avec l’expérience extra-scolaire, par une relation réciproque entre l’école et l’environnement physique, social et culturel de l’enfant et de l’adulte.
  3. Correspondre à la notion d’éducation comme processus de formation permanente et non d’acquisition d’un bagage de connaissances multiples reçu une fois pour toutes.

Les buts généraux de cet enseignement fondamental sont (D.É.N., Enseignement fondamental, 1980, p. 7) de permettre à chacun :

La réforme éducative de 1979 avait pour objectifs principaux :

  1. La mise en place de l’école fondamentale. Comportant 3 cycles d’une durée totale de 10 ans, ramenée par la suite à 9 ans, l’école fondamentale contient 3 cycles : un premier cycle de 4 ans, un deuxième cycle de 2 ans et un troisième cycle de 3 ans avec deux options (enseignement général et enseignement technique et professionnel). Ce dernier cycle devrait permettre aux finissants de s’orienter soit vers le marché du travail soit vers des études dans un secondaire diversifié ;
  2. L’introduction de nouvelles méthodes pédagogiques axées sur les élèves ;
  3. La promotion automatique à l’intérieur des cycles d’enseignement ;
  4. L’utilisation du créole comme langue d’instruction et langue d’enseignement en vue d’assurer un environnement plus approprié à la communication et donc à l’apprentissage ;
  5. Des programmes de formation et de recyclage pour améliorer les performances pédagogiques du personnel enseignant ;
  6. L’élaboration de matériels didactiques et la distribution gratuite de ces matériels aux élèves ;
  7. Le renforcement de l’encadrement administratif et pédagogique des écoles à l’aide d’un corps d’inspecteurs et de conseillers pédagogiques devant veiller à l’implantation de la réforme.

L’Institut Pédagogique National (IPN) a été l’organisme clé de mise en œuvre de cette réforme éducative.

  1. Le système éducatif avant la réforme éducative

 

2. Le système éducatif avec la réforme éducative

[1] Verna, C.F. (2007). Maurice Dartigue, educational reform, and intellectual cooperation with the United States as a strategy for Haitian national development, 1934-46.

[2] https://www.ibe.unesco.org/en/document/world-data-education-sixth-edition-2006-07

[3] Pour_un_Pacte_National_pour_lEducation_e.pdf

[4] https://planipolis.iiep.unesco.org/en/2020/plan-d%C3%A9cennal-d%E2%80%99%C3%A9ducation-et-de-formation-pdef-7118

[5] In Jean-Marie De Ketele, « Réformer l’éducation : travailler ensemble au bien commun en développant une intelligence collective », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 83 | avril 2020, mis en ligne le 17 juin 2020, consulté le 22 août 2023. URL : http://journals.openedition.org/ries/9463 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ries.9463

[6] https://d.docs.live.net/19123076a95e7e1f/Desktop/BIE_BID/Grandes%20réformes%20et%20réajustements%20du.docx

[7] https://www.cap-concours.fr/donnees/enseignement/systeme-educatif/grands-principes-acteurs-reformes-organisation/grandes-reformes-et-reajustements-du-systeme-educatif-dossier-mis-a-jour-ficpra08008

[8] https://www.studocu.com/row/document/universite-cadi-ayyad/recherche-sociale/actes-reformes-curriculaires/36972312

[9] https://unispal.un.org/pdfs/EDUFlagshipWBf.pdf

[10] NDOYE M. (2020). « Réformes éducatives : attentes et conduite du changement ». Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°83, avril.

[11] Ici, le concept de curriculum doit être pris dans son acception gallo-romaine. C’est-à- dire un listing de contenus notionnels découlant des disciplines ou matières d’enseignement assorties de prescriptions pédagogiques.

[12] https://theses.hal.science/tel-02000361

[13] PIERRE Délima, (2012), Constitutions, Lois et Éducation en Haïti 1801-2011 : élément de politiques éducatives, Québec, Éditions Mémoires

[14] Ref. ST FORT, J.L. (2016)

[15] Criblez, Lucien; Hofstetter, Rita: Editorial. Transfert et transformations des savoirs pédagogiques – In: Schweizerische Zeitschrift für Bildungswissenschaften 40 (2018) 1, S. 17-27 – URN: urn:nbn:de:0111-pedocs-179732 – DOI: 10.25656/01:17973

[16] Loi du 6 octobre 1860, loi additionnelle à celle du 6 octobre 1860, Arrêté du 26 juillet 1893, loi du 29 octobre 1901, loi du 8 novembre 1906, loi du 4 octobre 1912, loi du 1e novembre 1913 et autres.

[17] Sources principales : Wikipédia, Dartigue, J. (2017), Dartigue, E. (1992)

[18] Saint-Germain, M. (1997). Problématique linguistique en Haïti et réforme éducative : quelques constats. Revue des sciences de l’éducation, 23(3), 611–642. https://doi.org/10.7202/031954ar

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